Saturne
Par le dessin et particulièrement par une série de gravures à l'eau forte je raconte l'histoire de Saturne, ses multiples facettes, sa fatalité, son instrumentalisation, sa liberté et son accomplissement. Comme un écho à notre monde contemporain, je veux mettre en évidence la question des choix personnels et collectifs, de comment dépasser la cruelle terreur pour arriver à la paix sociale.
Dans l'histoire de l'Art, Saturne est un personnage rendu célèbre par les peintures de Rubens ou Goya. Ces images fascinantes nous montrent un tyran sanguinaire qui mange ses propres enfants. Ces peintures magnifiques imposent un regard sur Saturne des plus cruel et inhumain. Et après elles, c'est souvent toute l'image qu'il nous reste de Saturne. Ce passage dans l'histoire de Saturne peut sembler cruel, alors que plusieurs lectures du mythe nous montrent que ce n'est pas par pure cruauté ou par folie qu'il agit ainsi, mais parce que ses frères aînés lui imposent, afin d'être sûr que ses enfants ne régnerons jamais sur l'Olympe. Ce passage effroyable n'est qu'un chapitre parmi tant d'autres. Il me tient à coeur de raconter l'histoire de Saturne, cette histoire d'un dieu manipulé par sa mère, maudit par son père, rejeté par ses frères pour finalement se retrouver banni de l'Olympe par son fils et devenir simple mortel sur terre. Et de là où l'on pourrait croire qu'il a absolument tout perdu, le voilà créant ce que l'on peut appeler une société idéale, où il abolit la propriété et où le vol n'existe pas, où les habitants travaillent la terre ensemble et en partagent les fruits. Cette époque se nomme l'âge d'or : voilà comment finit Saturne.
• Le premier volet, AMOR, illustre le ciel ouvert autour de la Terre, Ouranos et Gaïa. Gaïa, qui s'ennuie, crée Ouranos pour être aimée. Malheureusement pour elle, il ne sait faire que cela et elle n'en peut plus d'être étreinte constamment. Elle étouffe. Elle demande alors à ses enfants encore enfermés en son giron d'émasculer leur père. C'est le benjamin qui accepte, Saturne. Gaïa crée pour l'occasion le premier outil : une lame. Ouranos, meurtri, maudit son fils, mais il lâche enfin prise, libérant l'espace et le temps, ouvrant la boucle des événements jusqu'alors close.
Inspiration principale : les volets fermés du « jardin des délices » de Jérôme Bosch.
• Le second volet, LATIUM, illustre la chute de Saturne sur Terre. Saturne, leurré par sa mère, avale une pierre à la place de son dernier enfant, Jupiter, qui viendra plus tard lui faire recracher ses frères et soeurs. Le premier à sortir n'est autre que le leurre en question : la pierre Abadir. Arrive alors la titanomachie, Saturne est vaincu et son fils l'envoie alors sur Terre en tant que mortel. Il atterrit dans la région de Latium. Cette chute aura raison de sa jambe : il finira sa vie infirme.Inspiration principale : les bois gravés de Dürer
• Le troisième volet, ROMA, illustre les enfants de Saturne. Lorsque Saturne arrive sur Terre, il rencontre le peuple des Latins, à qui il va enseigner le travail de la terre, l'agriculture. Il crée ainsi la première utopie sociale : l'Age d'Or. Ici, pas de vol, car pas de propriété : tout le monde mange le fruit du travail collectif. Historiquement, le trésor de la ville de Rome se trouvait dans le temple de Saturne car nul vol ne pouvait y être commis. Les Chrétiens voulant faire disparaître les fêtes païennes vont se réapproprier les Saturnales : fête du solstice d'hiver, mélange de Noël et de Carnaval.Inspiration principale: tableaux de Bruegel illustrant les fêtes de paysans